
Arjan Kers, Managing Director de TUI BENE (Belgique et Pays-Bas), revient sur une année intense. Avec la poursuite de l’intégration des branches belge et néerlandaise, ainsi que son rôle de président de la fédération sectorielle néerlandaise ANVR, Kers partage sa vision de l’avenir du secteur du voyage. Dans cet entretien, il approfondit les choix stratégiques, les besoins des clients et l’importance continue de la technologie, de l’innovation et de la durabilité.
TUI a enregistré huit trimestres consécutifs de croissance à deux chiffres de l’EBIT sous-jacent. Selon vous, quels sont les principaux facteurs derrière ces performances ?
« Ces chiffres sont le résultat d’une combinaison de facteurs. Le plus important, ce sont nos collaborateurs. TUI bénéficie d’une riche histoire et d’une culture forte, tant en Belgique que dans le reste de l’Europe. Nos équipes possèdent une vaste expérience et savent comment gérer des situations de crise. Pendant la pandémie, nous avons prouvé que nous étions là pour nos clients, même dans les moments difficiles. Cela nous a valu une grande confiance, que l’on retrouve aujourd’hui dans les résultats.
De plus, l’orientation client est une priorité. Ces dernières années, nous avons travaillé dur pour améliorer constamment notre service, tant pour nos clients que pour nos partenaires. Cela est rendu possible grâce à la capacité d’innovation de notre groupe. La technologie joue ici un rôle crucial. Nous avons fait de grands progrès dans le développement d’outils qui nous aident à mieux comprendre les attentes de nos clients et à y répondre rapidement. »
Quelle stratégie TUI envisage-t-elle pour poursuivre cette croissance dans les années à venir ?
« Notre stratégie repose entre autres sur trois piliers principaux : l’innovation, la durabilité et l’orientation client. L’innovation joue un rôle prépondérant, notamment sur le plan technologique. Nous continuons à investir dans l’analyse des données et la numérisation pour rendre nos processus plus efficaces et offrir une expérience personnalisée à nos clients. Les données sont le nouveau pétrole : elles alimentent et optimisent nos opérations. Elles nous permettent d’identifier rapidement les tendances dans les besoins des clients et d’y répondre par des campagnes ciblées et des produits améliorés.
La durabilité est un autre élément essentiel de notre stratégie. Cela ne se limite pas à moderniser notre flotte ou à investir dans des carburants alternatifs comme le SAF, mais inclut également des collaborations avec les communautés locales et nos partenaires. Nous voulons rendre les voyages accessibles tout en assumant notre responsabilité envers l’environnement et les destinations.
L’orientation client reste une priorité majeure. Nous voulons que les clients ressentent qu’ils sont au centre de tout ce que nous faisons, de la première réservation à l’expérience sur place. Notre objectif n’est pas seulement d’offrir de belles vacances, mais aussi de rassurer et d’inspirer nos clients.
En outre, nous continuons à diversifier notre offre de produits. Le développement de notre “Global Curated Leisure Marketplace” joue un rôle clé à cet égard. L’idée est de créer une plateforme où les clients peuvent trouver tout ce dont ils ont besoin pour leur voyage, des hébergements et des vols aux excursions et services supplémentaires. Cela garantit une expérience plus intégrée et cohérente pour nos clients. »
Les prix de l’été dernier ont augmenté en moyenne de 3 %. Sur la base des chiffres de réservation pour la période hivernale, TUI rapporte une hausse des prix de 5 %. Comment TUI parvient-elle à maintenir des vacances abordables ?
« La maîtrise des coûts est essentielle dans un secteur de plus en plus compétitif, surtout dans un contexte où tout devient plus cher. Notre priorité est de faire en sorte que les vacances restent accessibles à un large public. Cela a toujours été l’une des valeurs fondamentales de TUI, tant en Belgique qu’aux Pays-Bas. Pensez à des marques comme Jetair et Sunjets, qui représentaient autrefois la qualité à un prix compétitif. Cette vision reste notre objectif, même si les conditions du marché deviennent plus difficiles.
Ce qui nous aide, c’est notre envergure. En tant que grand acteur, nous disposons d’un pouvoir d’achat plus important, ce qui nous permet de conclure de meilleurs accords avec nos partenaires hôteliers et autres fournisseurs. Cela nous permet d’offrir des prix compétitifs sans compromettre la qualité. En parallèle, nous travaillons en permanence à l’optimisation de nos processus internes pour améliorer notre efficacité.
Par ailleurs, nous observons un changement sur le marché. La classe moyenne semble de plus en plus sous pression. Nous devons donc proposer des solutions adaptées à la fois au segment haut de gamme et au segment plus économique. Nous avons des produits qui séduisent les voyageurs en quête de luxe, mais aussi des alternatives abordables.
Cependant, nous ne devons jamais oublier que l’accessibilité ne doit pas se faire au détriment de l’expérience client. Même pour des vacances à prix compétitif, les gens attendent un service de qualité et un voyage sans faille. Cela signifie que nous devons toujours trouver un équilibre entre la maîtrise des coûts et la fourniture de la meilleure expérience possible. L’innovation joue ici un rôle crucial : la technologie nous aide, par exemple, à travailler de manière plus efficace tout en améliorant l’orientation client. »
Comment trouvez-vous l’équilibre entre les besoins spécifiques des marchés belge et néerlandais dans une stratégie intégrée ?
« Il est intéressant de combiner les besoins de deux marchés différents, car cela offre de nombreuses opportunités. Les voyageurs belges, par exemple, ont une nette préférence pour les vacances tout compris, tandis que les voyageurs néerlandais optent plus souvent pour des options flexibles et aventureuses. En reconnaissant et en intégrant ces différences dans notre stratégie, nous pouvons répondre aux attentes des deux marchés avec une offre vraiment adaptée.
Nous avons également appris à exploiter les points forts des deux pays. Par exemple, les clients belges utilisent de plus en plus les aéroports néerlandais comme celui d’Eindhoven, tandis que les Néerlandais découvrent les avantages des départs depuis Anvers, Bruxelles ou Ostende. L’harmonisation de nos systèmes a considérablement facilité ce processus. »
La Belgique accuse un retard par rapport à d’autres pays européens en matière de réservations anticipées. Quelles initiatives TUI met-elle en place pour convaincre les voyageurs belges de réserver leurs vacances plus tôt ?
« En effet, nous constatons que les voyageurs belges réservent souvent plus tard que, par exemple, les clients en Allemagne ou au Royaume-Uni. Pour modifier ce comportement, nous avons lancé plusieurs campagnes de réservation anticipée mettant en avant des avantages tels que des prix garantis, une flexibilité accrue et des réductions exclusives. Réserver tôt offre non seulement aux clients un choix plus large, mais leur garantit également le meilleur prix et une disponibilité assurée. Les destinations populaires comme les îles Canaries se remplissent rapidement, et réserver à la dernière minute signifie souvent devoir faire des compromis. Il est donc avantageux, tant pour nous que pour les clients, de réserver à l’avance. »
Curaçao est une destination prisée des voyageurs néerlandais, mais elle fait également l’objet de promotions depuis des années en Belgique. Comment voyez-vous cette destination séduire les vacanciers belges après le lancement récent des vols directs depuis Brussels Airport ?
« Curaçao a tout pour devenir un succès en Belgique. Elle offre une ambiance caribéenne avec une touche familière néerlandaise. Grâce aux vols directs depuis Bruxelles, nous rendons la destination plus accessible que jamais aux voyageurs belges. Ce qui rend Curaçao unique, c’est qu’elle correspond parfaitement aux préférences des vacanciers belges, qui privilégient souvent des hébergements haut de gamme.
Le nouvel hôtel TUI Blue, qui ouvrira ses portes en 2025, rendra cette destination encore plus attrayante (ce complexe devrait créer plus de 400 emplois et représente un investissement de 80 millions de dollars, n.d.l.r.). Nous constatons déjà de nombreuses réactions positives sur le marché. »
Vous avez précédemment affirmé que le retail, notamment en Belgique, a fait un énorme bond en avant après la période de Covid. Quel rôle le lien historique avec le retail belge joue-t-il dans les plans futurs de TUI ?
« Le retail reste un élément essentiel de notre stratégie, tant en Belgique qu’aux Pays-Bas. Les clients apprécient le contact personnel et l’expertise que les agents de voyage peuvent offrir, des atouts que les plateformes en ligne ne peuvent égaler. Cependant, nous devons reconnaître que le retail n’est pas statique : il doit continuer à évoluer.
La technologie peut jouer un rôle clé en fournissant aux agents de voyage des outils pour mieux servir et conseiller leurs clients. Je suis convaincu que l’avenir réside dans un modèle hybride, où les canaux online et offline se complètent mutuellement. Les clients apprécient toujours le contact humain et l’expertise des agents, en particulier pour des voyages plus complexes ou coûteux.
Dans le même temps, la technologie peut optimiser le processus de conseil. Chez TUI, nous constatons que les canaux offline et online se renforcent l’un l’autre. Les clients cherchent souvent d’abord de l’inspiration en ligne, puis se rendent dans une agence pour obtenir des conseils et une garantie. Cette confiance est cruciale, surtout à une époque où les gens attendent plus de flexibilité et de garanties. »
Quel bilan tirez-vous de l’année touristique 2024 ? Qu’est-ce qui vous a surpris ?
« L’année 2024 a marqué le retour complet de l’envie de voyager. Ce qui m’a particulièrement surpris, c’est la rapidité avec laquelle la demande pour les voyages long-courriers a repris. Après la Covid, les clients étaient d’abord réticents à réserver des destinations lointaines, mais nous constatons désormais que ces destinations sont extrêmement prisées.
De plus, la jeune génération affiche une nette préférence pour la flexibilité. Elle souhaite pouvoir choisir parmi différentes options et adapter ses plans de voyage si nécessaire. Cela exige une approche différente dans la façon dont nous proposons nos voyages. Les clients veulent être pris en charge, tout en gardant le contrôle sur leur propre expérience de voyage. »
Quelles évolutions (technologiques) considérez-vous comme essentielles pour le succès des agents de voyage ?
« La technologie est indispensable. Des outils comme l’analyse de données et l’intelligence artificielle aident les agents de voyage à mieux comprendre leurs clients et à offrir un service personnalisé. Nous continuons à investir dans des plateformes qui donnent aux agents un accès complet à notre gamme de produits, leur permettant ainsi de travailler efficacement.
L’utilisation de la technologie ne signifie pas que le contact humain disparaît. Au contraire, elle permet aux agents de consacrer plus de temps à ce qui compte vraiment : conseiller et inspirer leurs clients. »
Quelles sont vos attentes pour l’avenir ?
« Je suis extrêmement optimiste pour l’avenir. Les gens continueront à voyager parce que cela les enrichit, et je suis convaincu que la demande ne fera que croître. Notre priorité est d’offrir de la qualité et de l’innovation tout en continuant à investir dans la durabilité et l’accessibilité.
TUI dispose de l’envergure, de l’expérience et des équipes nécessaires pour maintenir un rôle de leader dans l’industrie. Qu’il s’agisse de nouveaux marchés, de technologies innovantes ou d’expériences de voyage uniques, nous sommes déterminés à continuer de surprendre et d’inspirer nos clients. »
TUI a décidé de ne plus participer au Salon des Vacances de Bruxelles en Belgique et à la Vakantiebeurs aux Pays-Bas (l’organisateur FISA a d’ailleurs annulé l’édition 2025 du Salon des Vacances de Bruxelles, n.d.l.r.). Pouvez-vous expliquer cette décision stratégique ?
« Les salons traditionnels ne répondent plus aux besoins des consommateurs modernes. Aujourd’hui, les gens trouvent leur inspiration principalement en ligne. C’est pourquoi nous avons décidé d’adopter une approche plus directe et personnalisée. Avec notre nouveau concept ‘TUI vient à vous’, nous organisons des événements à petite échelle dans différentes localités en Belgique et aux Pays-Bas, où les clients peuvent obtenir des conseils personnalisés et réserver leur voyage sur place.
Ce modèle correspond mieux à la façon dont les voyageurs planifient leurs séjours aujourd’hui. Il nous permet également de surprendre nos clients avec des offres exclusives et des expériences spécifiquement adaptées à leurs intérêts. TUI prévoit également d’organiser un événement distinct, exclusivement B2B, entièrement dédié aux agents de voyage. »
Quelles sont les principales conclusions du récent congrès de l’ANVR à Oman, dont vous êtes le président ?
« Le congrès de l’ANVR à Oman a été un événement remarquable. Ce qui m’a particulièrement marqué, c’est la force de la collaboration au sein du secteur du voyage. Le congrès a rassemblé des agences de voyage, des compagnies aériennes, des partenaires technologiques et même des acteurs du retail. Cela a conduit à des discussions enrichissantes sur des thèmes tels que la durabilité, la numérisation et l’évolution des attentes des clients.
La durabilité a été un sujet central. Nous avons discuté de la manière dont l’ensemble du secteur doit se transformer pour devenir plus durable. Cela ne concerne pas uniquement les aspects techniques, mais également la sensibilisation des clients. Que signifie voyager de manière durable ? Comment pouvons-nous rendre cela plus accessible et attrayant ?
Un autre enseignement important est la nécessité d’innover. Les clients attendent de plus en plus des expériences personnalisées. Ils ne veulent pas d’une solution unique, mais des voyages sur mesure qui répondent à leurs préférences personnelles. Cela implique que notre secteur doit investir davantage dans l’analyse des données et la technologie.
Enfin, nous avons également abordé l’impact social du voyage. Des destinations comme Oman montrent comment le tourisme peut contribuer non seulement à la croissance économique, mais aussi à la préservation de la culture et des traditions. Il est essentiel que nous ne perdions pas de vue cet aspect. »
Quelle est votre vision du rôle des associations professionnelles dans le secteur du voyage et de l’importance de la collaboration ?
« Les associations professionnelles jouent un rôle crucial dans la représentation des intérêts du secteur, tant auprès des gouvernements que des autres parties prenantes. Cependant, en Belgique, le paysage est fragmenté. Il existe plusieurs associations, comme la VVR, l’UPAV, l’ABTO et d’autres, ce qui rend difficile de parler d’une seule voix. C’est une opportunité manquée.
Aux Pays-Bas, avec l’ANVR, nous avons une organisation forte et unifiée qui représente à la fois le retail, les voyagistes et d’autres acteurs du secteur. Cela permet un lobbying beaucoup plus puissant et une communication claire envers le gouvernement. À mon avis, une structure similaire en Belgique renforcerait considérablement l’efficacité du secteur.
Il existe un besoin évident de davantage de collaboration entre les différentes organisations belges. Idéalement, une association professionnelle unifiée pourrait représenter toute la région du Benelux. Nous faisons face à de nombreux défis communs. En unissant nos forces, nous serions plus forts, tant au niveau national qu’au niveau européen.
Une organisation couvrant l’ensemble du Benelux serait non seulement plus efficace, mais elle enverrait également un signal plus fort au marché. Cela signifierait que nous cesserions de rivaliser sur le plan organisationnel pour travailler ensemble au renforcement de l’ensemble du secteur du voyage. Je crois que c’est réalisable, à condition que les bonnes étapes soient franchies et que chacun soit prêt à privilégier l’intérêt général sur les intérêts personnels ou institutionnels. »