
Défis écologiques, nouveaux appareils, nouvelles cabines, réseau en expansion, canaux de distribution innovants… Nabil Baccouche (Country Manager Air France-KLM Belux) nous dévoile comment le groupe Air France-KLM aborde et envisage le futur.
Pouvez-vous nous dresser un état des lieux du secteur aérien post-pandémie, principalement en Europe ?
“Comme vous l’avez constaté, l’été fut porteur d’une bonne reprise de la demande. Selon l’IATA, le taux d’occupation à l’échelle de l’industrie s’est établi à 81,8 %, les transporteurs européens arrivant en tête avec 86,2 %. Les compagnies aériennes basées en Europe ont maintenu une croissance de 78,8% en RPK (Revenue Passenger Kilometers) au cours de l’année (jusqu’en août) et ont atteint 78,6 % des niveaux d’avant la crise. En Europe, le trafic international est actuellement inférieur de 20,1 % par rapport aux niveaux pré-pandémie. Ce constat s’applique notamment à notre zone du Belux ou le BSP (toutes les ventes des agences) consolidé des 4 derniers mois (de juin à septembre) s’établit à 87% des niveaux pré-pandémie. En règle générale, les réservations à terme continuent de prendre des perspectives positives. Ceci étant dit, la reprise prend une dynamique différente selon le type de voyage et la zone de destination. En ce qui concerne le premier aspect, les voyages loisirs ont très bien repris contrairement aux voyages d’affaires qui, même si la demande progresse d’un mois à l’autre, restent encore en retard par rapport à la reprise totale. Quant au second aspect, on constate une excellente tendance sur le Nord Atlantique, l’Amérique du Sud et l’Afrique. En revanche, l’Asie, pour les raisons que l’on connait, ne voit pas encore le même niveau de demande.“
Quelles opportunités entrevoyez-vous dans un horizon proche ?
“Avant tout la réouverture de l’Asie, dont certaines destinations importantes pour les voyageurs européens telles que le Japon et la Thaïlande. Ensuite la reprise des voyages d’affaires. Les incentives reprennent ainsi que les évènements majeurs comme la coupe du Monde au Qatar. A nous de mettre les ressources nécessaires pour bien les saisir.“
Selon vous, quels sont dès lors les principaux challenges à relever ?
“Pour le moment, le challenge majeur porte sur certains aéroports qui souffrent d’un manque de personnel. Cela impacte forcément les opérations des compagnies aériennes et l’expérience client en général. Un autre challenge -et non des moindres- a lien à la question environnementale et à la pression croissante à laquelle font face les compagnies européennes majeures.“
Après tous les remous que nous avons connu, comment se porte le groupe Air France-KLM ?
“Air France-KLM se porte bien. On tire profit de quelques bonnes décisions stratégiques prises lors de la pandémie, notamment le déploiement rapide des capacités là où la demande était importante. La protection des ressources, anticipant une reprise de la demande, est essentielle. Contrairement à nos concurrents, on a su profiter pleinement de cette reprise.
Les résultats des deux premiers trimestres le confirment : Air France-KLM est la plus rentable parmi les Major européens. Avec un bénéfice net de 324 millions d’euros au 2e trimestre pour 6.7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, nos résultats financiers et opérationnels sont actuellement meilleurs que ceux de nos principaux concurrents.“
Qu’en est-il d’Air France-KLM au Belux ?
“Malgré une concurrence accrue et de nouveaux acteurs sur le marché, nos résultats sont positifs et en ligne avec les objectifs qui nous ont été fixés et ce tant sur nos canaux de distribution directs qu’indirects. Nous avons bien profité de la reprise de l’été dernier et les engagements pour la fin de l’année s’annoncent positifs et se rapprochent des niveaux de 2019. Notre atout majeur, c’est notre offre particulièrement riche qui répond aux besoins de tous les profils des voyageurs. Ainsi, nous proposons 4 vols KLM quotidiens au départ de Brussels Airport, les trains vers Amsterdam-Schiphol à partir des gares de Bruxelles-Midi et d’Anvers-Central, un excellent produit Air&Rail en collaboration avec le TGV via Paris-Charles de Gaulle et un vol quotidien de Delta Air Lines au départ de Brussels Airport vers New York-JFK avec des nouvelles cabines (en attendant le retour du vol vers Atlanta). Nous profitons donc pleinement de notre position stratégique entre nos deux hubs.
Outre notre souci d’améliorer notre part de marché, nous nourrissons trois objectifs principaux : tout d’abord continuer à étoffer et améliorer notre offre Air&Rail, cette fois vers Amsterdam-Schiphol. Et améliorer ainsi l’expérience client pour la rapprocher de celle existant depuis plus de 20 ans avec le TGV vers Paris-Charles de Gaulle. Nous souhaitons ensuite promouvoir nos canaux de distributions directs NDC avec nos partenaires belges et luxembourgeois. Et enfin, promouvoir notre offre « sustainability » avec nos contrats SAF (Sustainable Aviation Fuel) auprès de partenaires B2B et B2T à qui l’on propose de rejoindre nos efforts pour une plus large utilisation du SAF.“
A ce sujet, la question environnementale se fait chaque jour plus brûlante. Quel serait le plan de route à suivre ?
“La question environnementale est en effet une question clé pour l’avenir de notre industrie. Cette dernière s’est fixée comme objectif d’atteindre « zéro émission » en 2050. Les solutions existent avec les nouvelles générations de moteur, le ciel unique européen, la captation de CO2 mais la solution la plus importante vient de l’utilisation du carburant vert, communément appelé SAF. Le SAF jouera le rôle le plus important dans la décarbonation de l’aviation. L’IATA estime que le SAF contribuera à hauteur de 65% pour réaliser cet objectif, mais à condition qu’il soit disponible en quantité suffisante. C’est là le problème actuel. La production de SAF est en effet très largement en deçà de ce qui a été envisagé en juin 2011 quand on parlait de 2 millions de tonnes, très loin des 100 millions de litres achetés par l’industrie en 2021.“
Plus concrètement, quelles initiatives le groupe Air France-KLM prend-il ?
“Pour AFKL la question environnementale ne date pas d’aujourd’hui. Je rappelle que pendant 15 années consécutives, notre groupe arrivait sur le podium du Dow Jones Sustainability Index (DJSI). Cette question est donc bien intégrée à notre gouvernance d’entreprise. La trajectoire de décarbonation de nos activités n’est plus un choix mais une nécessité absolue.
Notre groupe s’était déjà fixé un objectif de réduction de 30% d’émissions de CO2 en 2030 par rapport à 2019. Pour y arriver, trois leviers principaux ont été identifiés : le renouvellement de la flotte avec 64% d’avions de nouvelle génération prévus d’ici 2028 ; l’utilisation de SAF à raison de 10% supplémentaires d’ici 2030 ; l’éco-pilotage, qui nous aidera à réaliser une économie de carburant de 3%. A noter enfin que nos objectifs sont soumis à la validation SBTI (Science Based Targets initiatives) qui vise à limiter le réchauffement climatique bien en-deçà de 2°C.
Pour parler concrètement, Air France-KLM a signé avec le finlandais Neste et l’américain DG Fuel deux des plus gros contrats de fourniture de carburants durables jamais enregistrés dans le secteur aérien : 1,6 million de tonnes au total, entre 2023 et 2036, soit plus de 2 milliards de litres. Cela nous permettra d’avancer de quelques pas vers notre objectif de 10 % de carburants durables d’ici à 2030 et de réduire de 30 % nos émissions de CO2 à la même date. Au total, ces 1,6 million de tonnes de carburants durables, produits à base d’huile de cuisson et de graisses animales, permettront d’éviter l’ajout d’environ 4,7 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Les livraisons de Neste débuteront dès l’an prochain et se poursuivront jusqu’en 2030. Celles de l’américain DG Fuels, pour 600.000 tonnes supplémentaires, n’interviendront que dans un second temps, pour la période 2027-2036.“
Quelles nouveautés pouvez-vous nous annoncer dans un avenir proche ?
“Je pense tout d’abord aux nouvelles cabines Business long-courrier d’Air France, déployées progressivement à partir de l’automne 2022. Elles équiperont à terme 12 de nos Boeing 777-300ER. Courant 2023, l’intégralité des cabines Business de la flotte Air France disposera ainsi de fauteuils modulables en lits totalement plats avec accès direct à l’allée.
La seconde grande nouvelle concerne la nouvelle cabine « Premium Comfort » de KLM. Il s’agit d’une cabine intermédiaire offrant plus d’espace, de luxe, d’options de service, de confort et d’intimité que la classe économique mais à des prix inférieurs à la World Business Class. Cette cabine nous permettra de mieux répondre aux besoins et aux souhaits des voyageurs d’agrément et d’affaires, renforçant la position de KLM en tant que transporteur de réseau mondial. Cette nouvelle cabine sera disponible sur nos B787-10 Dreamliner. Suivront les 787-9 et les 777-200ER.
Par ailleurs, je tiens à rappeler que grâce à un plan ambitieux d’investissement d’un milliard d’euros par an, le renouvellement de notre flotte se poursuit à un rythme soutenu.
En ce qui concerne notre réseau, notre niveau d’activité pour l’hiver 2022 sera proche de celui de l’hiver 2019. Air France desservira 171 destinations : 86 sur long-courrier et 85 sur court et moyen-courrier. Outre le retour de quelques destinations importantes dans notre offre telles que Le Cap et Tokyo Haneda et la prolongation du Paris-Charles de Gaulle – Dallas cet hiver, il y aura 5 nouvelles liaisons au départ de Paris-Charles de Gaulle : New York-Newark, Tromsø (Norvège), Kittilä (Finlande), Innsbruck et Salzbourg (Autriche). La totalité de la flotte de la compagnie sera ainsi en activité.
KLM proposera pour cet hiver un réseau de 163 destinations –dont 92 en moyen-courrier et 71 intercontinentales, avec là aussi des nouvelles destinations à intégrer ou réintégrer : Nantes, Rovaniemi, Aarhus au Danemark et Katowice en Pologne. Nous maintenons également la liaison vers Austin. Au total, nous proposerons plus de sièges sur les liaisons vers l’Amérique du Nord qu’en 2019.
En poursuivant nos objectifs en termes environnementaux, en modernisant la flotte, en améliorant nos équipements et nos services, forte de l’appui d’une équipe Belux expérimentée et passionnée, je pense pouvoir conclure en affirmant que l’avenir nous sourit.“