
Le Fonds de Garantie Voyages (GFG) célèbre cette année son 30e anniversaire. Une véritable prouesse dans un secteur confronté, au fil des années, à de nombreuses crises, faillites et transformations structurelles. Depuis 1996, Mark De Vriendt en est le general manager. Dans cet entretien approfondi, nous revenons avec lui sur les moments clés, les défis rencontrés et la vision d’avenir du GFG. Il nous offre également un aperçu du rôle que joue le fonds pour les voyageurs, les organisations de voyages et l’ensemble du secteur.
Le GFG souffle ses 30 bougies. Un cap important !
Mark De Vriendt : « On peut dire que c’est une performance remarquable du secteur du voyage. Il n’existe pas beaucoup de pays où le secteur a réussi à créer sa propre véritable compagnie d’assurance, dans un esprit de solidarité. Le démarrage en 1995 a été très difficile, avec des intérêts fortement divergents. Nous avons connu de beaux moments, mais aussi des années compliquées. Je pense à la crise financière, à la faillite de Thomas Cook en 2019, suivie par le COVID-19. Et pourtant, nous sommes toujours là et nous restons un facteur de stabilité. »
Est-ce qu’il y aura une célébration ?
« Pour cet anniversaire, nous mettons sur pied un événement réunissant plus de 360 participants, issus de 180 clients différents : agences de voyages, tour-opérateurs, exploitants d’autocars, acteurs du MICE et autres organisateurs. L’événement aura lieu le vendredi 13 juin à l’hôtel Casino (Silt) de Middelkerke. Les participants profiteront d’un dîner avec feu d’artifice, spécialement organisé pour nous par Omnia Travel. Ce doit être une véritable expérience. »
Vous êtes là depuis le tout début ?
« Oui, je travaille pour le fonds depuis 1995. D’abord à temps partiel via l’ABTO, puis à partir du 1er juillet 1996 avec un contrat à temps plein. Donc officiellement, je suis à temps plein depuis 1996, mais en réalité, je suis là depuis la création. »
Combien de membres le Fonds de Garantie Voyages compte-t-il aujourd’hui ?
« Actuellement, nous comptons 440 membres, représentant 713 points de vente. Nous sommes actifs en BeLux. Au Luxembourg, 13 entreprises nous ont récemment rejoints après la résiliation des polices d’insolvabilité par Amlin. Certaines se sont tournées vers nous, d’autres vers un fonds local issu de l’association des autocaristes. »
À quoi ressemble aujourd’hui le paysage des assureurs ?
« Au départ, nous étions le seul acteur sur le marché. En 1996-1997 et à nouveau en 2021-2022, nous étions seuls. Aujourd’hui, il y a de nouveau un peu plus d’acteurs sur le marché. »
Vous reversez également des montants aux organisateurs de voyages, les ristournes ?
« Nous avons versé des ristournes en 2006, 2007, puis à nouveau de 2014 à 2018. En 2024, nous allons de nouveau verser des ristournes sur les contributions B2B. Cela n’est possible que si les sinistres restent limités, comme c’est le cas depuis juin 2023. Nous espérons pouvoir faire de même sur les contributions de 2025. »
En quoi consiste exactement cette couverture B2B ?
« Dans certaines circonstances, les membres sont protégés contre la faillite d’autres membres. La condition est que les deux parties soient membres la même année, et que le voyageur ait payé tout ou partie du montant du voyage. L’objectif est de garantir l’obligation de prestation. Si un revendeur fait faillite après avoir encaissé les fonds, nous indemnisons le tour-opérateur. Et inversement également. »
Le système fonctionne, malgré de nombreuses crises. Mais qu’en est-il de la modération en cas de circonstances extrêmes ?
« La crise du Covid-19 a montré qu’aucun fonds ni assureur ne peut couvrir seul une crise d’une telle ampleur. Le système de vouchers mis en place par la ministre Muylle a permis de dégager un peu d’oxygène. Un système doit être robuste face aux risques normaux, pas aux scénarios apocalyptiques. C’est pourquoi une réassurance d’État existe jusqu’en 2028, avec un plafond de 70 millions d’euros pour l’ensemble du secteur. Mais en réalité, selon la Directive sur les voyages à forfait, les États membres restent responsables au-delà de ce montant en cas de crise extrême. »
Y a-t-il encore des malentendus concernant le GFG ?
« Les consommateurs pensent parfois que les bons ou chèques-cadeaux sont couverts par notre garantie, mais ce n’est pas le cas. Dans le secteur, il existe parfois l’idée que nous ne sommes là que pour les grands acteurs, ce qui est faux. Les petits acteurs sont tout aussi les bienvenus. Et nous ne demandons pas automatiquement une garantie bancaire. Cela dépend, entre autres, de la solvabilité de l’entreprise et du chiffre d’affaires attendu. »
Y a-t-il suffisamment de sensibilisation autour de l’existence et du fonctionnement du Fonds de Garantie Voyages ?
« Dans le secteur professionnel (B2B), notre notoriété est bien établie. Du côté des consommateurs (B2C), il reste du travail à faire. Notre logo figure sur les sites web, dans les brochures et sur les vitrines. Mais nous ne faisons la une qu’en cas de problème. Nous aimerions aussi faire parler de nous avec de bonnes nouvelles. Cela dit, les voyageurs deviennent plus vigilants : ils vérifient plus souvent s’ils sont bien protégés contre une faillite. »
Quelle est votre relation avec les organisateurs de voyages et les agences de voyages ?
« Nous sommes étroitement impliqués, nous appliquons des critères équitables et nous réfléchissons avec eux. Le fait que nous puissions offrir des ristournes est un atout important. Notre couverture B2B est également unique en Europe. Nous voulons offrir à nos membres la protection requise sans être excessivement stricts. »
Combien d’interventions ont eu lieu depuis la crise du Covid-19 ?
« Sept faillites, dont six directement liées à la crise du Covid. La dernière en date était Momentum Travel en juin 2023. Depuis, aucun sinistre n’a été enregistré. Le 19 mai, nous atteindrons 700 jours sans sinistre. »
Que dit cela sur la santé du secteur ?
« La rentabilité a augmenté, tout comme les fonds propres (nets). C’est un plaisir de traiter les dossiers aujourd’hui. La majorité des entreprises dépasse largement nos critères. »
Comment les incertitudes géopolitiques influencent-elles votre travail ?
« Nos clients sont expérimentés et professionnels. Ils résolvent souvent les problèmes ponctuels eux-mêmes. Ils ont l’habitude de gérer des conflits, des grèves et des circonstances imprévisibles. C’est là toute leur valeur ajoutée. »
Qu’attendez-vous pour les cinq prochaines années du GFG ?
« Nous continuons à miser sur la solvabilité et la résilience face aux chocs. Nous établissons toujours des plans sur cinq à dix ans, et ceux-ci se révèlent généralement positifs. L’essentiel pour nous est de faire comprendre à nos membres que le cœur de notre processus de sélection et d’évaluation repose sur leurs fonds propres, plus précisément sur les fonds propres nets (c’est-à-dire sans tenir compte des actifs qui ont peu de valeur réelle). Plus une entreprise dispose de fonds propres, plus elle est résistante aux chocs. Au Fonds de Garantie Voyages, nous disposons également de graphiques clairs à ce sujet : ils démontrent que la résilience des entreprises du voyage – et donc celle du secteur tout entier – dépend en grande partie de ce rapport entre capital propre et endettement. »
Que répondez-vous à ceux qui trouvent que le GFG est trop strict ?
« Nos critères d’adhésion sont en partie directement issus des dispositions légales : un ratio de solidarité de 15 % et un minimum de 25 000 euros de fonds propres nets sont fixés par arrêté royal. Pour les organisateurs de voyages, nous attendons 10 % de fonds propres nets par rapport au chiffre d’affaires. Ce n’est pas strict, c’est sain. Certains grands faillites auraient pu être évitées si les dirigeants y avaient accordé plus d’attention. En pratique, la plupart de nos clients dépassent aisément ces normes minimales. »
Vous êtes président de l’EGFATT depuis 2016. Quel est votre rôle au sein de l’EGFATT, la European Guarantee Funds’ Association for Travel and Tourism ?
« Au sein de l’EGFATT, je représente le Fonds de Garantie Voyages belge et je participe activement aux échanges entre les différents systèmes de garantie européens. Il ne s’agit pas tant d’harmonisation – ce qui est quasiment impossible au niveau européen, compte tenu des législations et contextes économiques très variés – mais plutôt d’un échange de bonnes pratiques. Nous partageons ainsi des connaissances sur la gestion des risques, les modèles de financement et la protection des clients. Nous construisons également un cadre de référence commun, que nous utilisons pour dialoguer avec la Commission européenne lorsque des propositions législatives touchant le secteur du voyage ou la protection des consommateurs sont sur la table. En outre, des benchmarks sont régulièrement organisés pour comparer notre fonctionnement, nos normes de solvabilité et nos procédures d’intervention. Cet échange croisé est particulièrement précieux, non seulement pour le GFG, mais aussi pour susciter un soutien international à des idées comme celle d’un Airline Guarantee Fund. »
Est-il encore justifiable qu’un tiers doive assumer les conséquences de la faillite d’une compagnie aérienne ?
« Non, il est en réalité totalement inacceptable qu’une seule partie doive supporter les dommages causés par une autre. Le fait que les voyageurs qui réservent directement auprès d’une compagnie aérienne soient laissés complètement à leur sort est révoltant. Il y a toutefois peut-être une lueur d’espoir. La commissaire européenne grecque, notamment en charge des transports et des affaires liées aux consommateurs, a déclaré dans une vidéo diffusée lors du séminaire de l’ECTAA qu’un travail était enfin en cours pour mettre en place une protection contre l’insolvabilité des compagnies aériennes. Si cela mène à la création d’un airline guarantee fund, ce serait un pas en avant. Accrochons-nous à cela et continuons à plaider pour un véritable changement. »
Un dernier mot ?
« Nous continuons à construire un système robuste, qui non seulement protège, mais inspire aussi confiance. Comme je le dis toujours : “we are here to stay”. Et cette année, nous fêtons à juste titre nos 30 ans. Une réussite pour tout le secteur. »
« Où est-ce que je me détends le mieux ? En promenade dans la nature, de préférence en montagne, mais le Vrijbroekpark à Malines, c’est très bien aussi. »
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